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- Sur la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire (après la Loi du 11 mai 2020)
 
La Loi du 11 mai 2020 a notamment prorogé l'état d'urgence sanitaire, cette prorogation est faite jusqu'au 10 juillet prochain (sauf nouvelle prorogation), tous les délais échus entre le 12 mars et le 10 août à minuit sont désormais concernés.​
 
Cette nouvelle prorogation comporte des exceptions.
 
L'Ordonnance n°2020-539 du 7 mai 2020 n'applique pas cette nouvelle prorogation au-delà du 24 mai 2020 dans certains domaines, notamment en matière du droit de l'urbanisme (recours contre les autorisations d'urbanisme, permis de construire, les délais d'instruction de ces autorisations, les délais de préemption...), les délais impartis aux personnes publiques (antennes relais,..). Il n'y aura plus de prorogation de délai à compter du 24 mai 2020.
 
De même l'Ordonnance du 15 avril 2020 a apporté les précisions suivantes: 
 
-  la liste des matières non touchées par la prorogation ou la suspension des délais,
- les délais de réflexions, de rétraction même prévus par la Loi ou le Règlement ne sont pas consernés par la suspension et la prorogation des délais (ex: délai de rétractation de 14 jours pour les contrats conclus à distance, délai de rétracation de 10 jours accordé à l'acquéreur d'un bien immobilier, délai de 10 jours donné à l'emprunteur pour accepter l'offre de prêt, délai de réflexion en matière de divorce par consentement mutuel, délai de 15 jours pour le Notaire de déposer la convention de divorce au rang desminutes,..).
 
 
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Sur la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire (avant la Loi du 11 mai 2020)
 
Deux Ordonnances prorogent les délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et adaptent les procédures pendant cette même période.

Il s'agit de l'Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, et de l'Ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020.

L'article 1 de l'Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 fixe son champ d'application, il s'agit des délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée.

Ces Ordonnances ont pour effet de suspendre les délais, et elles s'appliquent aux baux, qu'ils soient d'habitation, mixtes, professionnels ou commerciaux.

Il convient de bien distinguer: 

- la période d’urgence sanitaire d’une durée de deux mois qui a commencé à courir le 24 mars 2020, et qui expire le 23 mai 2020 à minuit (sauf prorogation), (La loi n°2020-290 du 23 mars 2020), 

la période juridiquement protégée qui a commencé à courir le 12 mars 2020 et qui expire, un mois après l'échéance de la période d'urgence sanitaire, soit le 23 juin 2020 à minuit (sauf prorogation), (article 1 de l'Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020).

 

L'article 2 de l'Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 prévoit que:

«Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit.(..)

Ainsi, le point de départ des délais est reporté à la date de l’expiration de la période juridiquement protégée, (laquelle dépend de l'expiration de la période d'urgence sanitaire), dans la limite de deux mois. La durée des délais est inchangée. 

L'ordonnance permet de considérer comme n'étant pas tardif l'acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti. 

L'Ordonnance vise également tout paiement prescrit par la Loi et ou le règlement, et non prescrit par des dispositions contractuelles. Dès lors, les paiement exigibles, en vertu de dispositions contractuelles doivent être effectués, pendant la période juridiquement protégée.

Les loyers doivent donc être payées.

Cependant, les grands bailleurs privés et des collectivités territoriales se sont montrés favorables à l'annulation des loyers des commerces fermés pour cause de COVID 19.

Ainsi, les principales fédérations de bailleurs et la Caisse des dépôts et consignations ont appelé leurs adhérents à annuler trois mois de loyers pour leurs adhérents qui sont contraints de fermer leurs commerces, en application de l'arrêté du 15 mars 2020.

 

N.B: Sur l'avantage fiscal proposé aux bailleurs qui renoncent au recouvrement des loyers

L’article 3 de la Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative incite les bailleurs à abandonner leurs créances de loyers, en donnant un cadre légale aux abandons de loyers commerciaux.

Aux termes de la loi nouvelle, lorsqu’un bailleur abandonne des loyers ou renonce à ceux-ci au profit de l’entreprise locataire entre le 15 avril et le 31 décembre 2020, ces éléments de revenus ne sont considérés comme un revenu imposable ni au titre des revenus fonciers (CGI, art. 14 B nouv.) ni à celui des bénéfices non commerciaux (CGI, art. 92 B, nouv.). 

La loi nouvelle précise que les abandons de créances de loyer et accessoires afférents à des immeubles donnés en location à une entreprise n’ayant pas de lien de dépendance avec le bailleur consentis dans la même période, sont déductibles du bénéfice net dans leur intégralité (CGI, art. 39 en matière de bénéfices industriels et commerciaux ; rappr., CGI, art. 93 pour les bénéfices des professions non commerciales). 

Il en ira de même des charges correspondant aux éléments de revenus ayant fait l’objet d’un abandon ou d’une renonciation (CGI, art. 14 B nouv.). 

 

N'entrent pas dans ce mécanisme de report de terme et d'échéance:

- les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 : leur terme n’est pas reporté ; 

- les délais dont le terme est fixé au-delà de la période juridique protégée, le bénéficiaire du délai légal ne pourra bénéficier d’aucun report, ces délais n’étant ni suspendus, ni prorogés. 
 

L'article 3 de l'Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 fixe la liste des mesures judiciaires et administratives dont l'effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de l'expiration de la période juridiquement protégée, dès lors que leur échéance est intervenue dans cette période, sauf si elles sont levées ou leur terme modifié par l'autorité compétente entre temps. 

Il s'agit des mesures suivantes:

1° Mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation ;

2° Mesures d'interdiction ou de suspension qui n'ont pas été prononcées à titre de sanction ;

3° Autorisations, permis et agréments ;

4° Mesures d'aide, d'accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;

5° Mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial.

 

L'article 4 de l'Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 porte sur les clauses et astreintes sanctionnant l'inexécution du débiteur et prévoit que:

«Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er.

Si le débiteur n'a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d'une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.(..)»

Ainsi, si l'inexécution d'une obligation est sanctionnée dans un délai expirant pendant la période juridiquement protégée, les astreintes prendront cours et les clauses produiront leurs effets, à compter de la fin de la période juridiquement protégée, pour une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.

«(..)La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation, autre que de sommes d'argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l'article 1er, est reportée d'une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la fin de cette période.(..)»

Lorsque ces astreintes ou clauses sanctionnent l'inexécution d'une obligation, autre que des sommes d'argent, dans un délai expirant après la période juridiquement protégée, leurs effets sont donc reportés d'une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la fin de cette période juridiquement protégée.

«(..)Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er».

Le report court à compter de la fin de la période juridiquement protégée, soit à compter du 24 juin 2020.

 

L'article 5 de l'Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 porte sur les conventions qui ne peuvent être résiliées que durant une période déterminée ou qu'elles sont renouvelées sans dénonciation dans un délai déterminé.

L'article 5 prévoit que si ces périodes ou délais expirent pendant la période juridiquement protégée, soit entre le 12 juin et le 23 juin 2020, ils sont prolongés de deux mois, à compter de la fin de la période juridiquement protégée, et le bail pourra donc être résilié jusqu'au 23 août 2020.

Exemple: Application de cette règle au congé délivré par le bailleur, d'un bail d'habitation régit par l'article 6 de la Loi du 6 juillet 1989

Le bailleur ne peut donner congé qu'à l'expiration du bail. 

Le délai de préavis se calculant « à rebours », doit demeurer protecteur des droits du locataire, ce délai de préavis de 6 mois prévu à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ne saurait être raccourci par la mise en application des dispositions de l’article 5 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, permettant la prolongation du délai dont dispose le bailleur pour délivrer son congé. 

Le bailleur ne pourra donc prétendre à la reprise effective de son logement que six mois après la réception du congé par le locataire, étant rappelé que le congé devra être donné au plus tard le 23 août 2020.

La période qui s’étendra entre le terme contractuel du bail et la reprise effective du logement pourra être considérée comme une prorogation temporaire dudit bail. 

La même solution devrait s'appliquer en matière de baux professionnels.

S'agissant des baux commerciaux, le bailleur mis dans l'impossibilité de délivrer son congé durant la période juridiquement protégée, pourra délivrer son congé également jusqu'au 23 août 2020, tout comme le preneur.